L'inspection annuelle, ce passage tant redouté et néanmoins inévitable...
Tout d'abord, quelques précautions oratoires
Le sujet est clivant sur l'IEFsphère, et
mon but n'est pas ici de dire qu'il FAUT faire plutôt comme-ci ou comme-ça...
Vous commencez à me connaître, je hais les injonctions et je ne me permettrais pas d'en donner. Je n'ai pas la prétention de savoir mieux que quiconque ce qu'il convient de faire, ce qu'il faudrait changer. Je ne juge pas les familles qui pensent et agissent différemment de nous, je sais qu'elles ont des arguments qui sont aussi réfléchis et légitimes que les nôtres. Je n'ai aucune réponse définitive, je suis faillible, je partage juste un point de vue, et ce dernier sera peut-être amené à changer au gré des événements...
Je peux juste essayer d'amener ma modeste pierre à l'édifice de la réflexion en
exposant notre choix et en
explicitant la démarche qui nous y a mené...
Notre première inspection : récit
Nous avons la chance que l'inspecteur ait d'office proposé le rendez-vous à notre domicile : déjà un combat de moins!
En revanche, il a de suite été question que les enfants se prêtent à des
exercices que leur proposerait la conseillère pédagogique, et de ça
il n'en était pas question pour nous.
Déjà, parce que
la loi ne le prévoit pas ainsi, mais pas seulement.
- Parce que cela ne correspond pas à notre pédagogie.
- Parce que ce ne serait pas adapté à ce qu'on a étudié.
- Parce que ça ne tiendrait pas compte des difficultés de mes enfants ni de leur lacunes (causées par l'école)
- Parce que ma fille est morte d'angoisse à l'idée d'être évaluée, et que c'est une des (nombreuses, trop nombreuses) causes de sa déscolarisation.
- Parce que mon fils a besoin que chaque consigne lui soit "traduite" pour s'y mettre.
- Parce que ce n'est pas juste d'interroger des enfants sur un an d'apprentissage quand les scolarisés se contentent de bachotage la veille d'une interro.
- Parce que c'est bien trop lourd pour un enfant de porter sur ses épaules tout le poids de cette évaluation et de son éventuelle conséquence (injonction de rescolarisation! L'école est-elle une sanction?)...
Et puis simplement :
parce que ce n'est pas nécessaire.
Lorsque les inspecteurs visitent un enseignant en classe, ils observent celui-ci à l'œuvre durant une heure, épluchent ses divers documents de travail (fiches de cours détaillées, plan de séquences, progression annuelle...) et débriefent lors d'un entretien en tête à tête.
Mais il n'y a pas d'équivalent aux méthodes d'inspection IEF dans l'école: jamais on n'évalue les élèves avec potentiellement à la clé une menace de... Quoi? Une injonction de changement d'établissement pour les élèves défaillants? Une injonction de déscolarisation? Avec obligation d'instruction en famille? Après tout, ce serait juste, non? Même le redoublement n'est plus envisageable en cas d'échec manifeste.
Bref, les exercices,
nous n'en voulions pas.
Mais nous souhaitions néanmoins que tout se passe bien et dans une ambiance
cordiale.
En tant qu'"enseignante" de mes enfants, j'accepte volontiers d'être observée et évaluée quant à l'enseignement que je leur dispense. Bien sûr, je ne suis que peu enthousiaste à l'idée de rendre des comptes annuellement quand certains profs du public attendent 8 ans pour être inspectés... Mais admettons : je connaissais cette condition en nous lançant dans l'IEF, je l'ai acceptée, je ne peux pas exiger qu'on change la règle du jeu après l'avoir débuté.
(Même si on peut discuter de son bien fondé.)
En tant que parent, il me semble évident que
c'est à moi de supporter le poids de l'inspection, et de la préparer au mieux peu importe le temps que cela me demande.
Je ne veux pas me décharger de cette contrainte sur mes enfants en leur faisant faire des révisions ou autres. Je les ai déscolarisés pour leur épargner des situations bien moins angoissantes que celle-ci, ce serait incohérent.
Je suis consciente que
mon interlocuteur n'est pas forcément au fait des pédagogies alternatives en général, ni de la pédagogie Charlotte Mason en particulier. Et quand bien même il en aurait entendu parler, il y a de forts risques qu'il voit tout cela d'un œil méfiant... Il travaille beaucoup, n'a que peu de temps à me consacrer et
doit en 1 heure ou 2 décider si oui ou non mes enfants ont une chance de maitriser le fameux socle le jour de leur 16 ans.
Là aussi, on peut discuter tant qu'on veut de l'intérêt de cette mission et de l'intérêt du socle tout court
(non, parce qu'en vrai : le socle, ça vole quand même pas bien haut niveau exigences, hein... Je serais la première à me dire que je me suis bien plantée si mes gosses ne maîtrisaient pas au moins ça...); on peut à juste titre déplorer que l'EN soit à la fois juge et partie en la matière, bref il y a moult motifs légitimes de se plaindre de cet intermède pas comique...
Mais le fait est qu'en attendant que ça change un jour peut-être,
il faut y passer bon gré mal gré... Et quitte à s'y plier, autant que ça se passe bien pour tout le monde, sans heurts et
dans le respect des lois, bien sûr.
Bref, après de longues et nombreuses tergiversations, j'ai fini par en conclure
(48h avant l'échéance, mieux vaut tard que jamais) que le mieux était encore de
"traduire" la pédagogie Mason en langage Éducation Nationale. Il m'a semblé que c'était le moyen le plus sûr et le plus efficace de capter l'attention de l'inspecteur et de lui prouver que, non, vraiment, nous n'étions pas de doux rêveurs bobo-hippies-inconscients-marginaux : nous avons un vrai projet éducatif, une vision à long terme, des objectifs, et nous nous donnons les moyens d'y parvenir. Et pour ça, je pense que
parler un langage commun peut aider.
Nous lui avons donc expliqué le pourquoi de notre
refus des tests, lui avons proposé de commencer par observer nos supports et travaux, puis de lui faire s'il le souhaitait une démonstration de notre façon de faire. Si à la suite de cela, il estimait vraiment qu'il n'y avait pas matière à constater la réalité de l'instruction dispensée, alors nous pourrions envisager quelques exercices
sur la base de nos supports et programmes. J'ai confiance en nous, en moi, en notre travail, et j'étais convaincue que nous n'aurions pas à en arriver là. Néanmoins, si par hasard cela avait du arriver, au moins les enfants ne se seraient-ils pas senti piégés et perdus.
S'en sont suivies 2 heures de déballages de livres, cahiers et travaux. Je vais vous surprendre, mais, bien qu'épuisante, cette démonstration n'a pas été désagréable. Nous avons eu la chance de tomber sur quelqu'un de très ouvert et respectueux et qui, a priori, a plutôt bien accroché avec Charlotte Mason. Il y a eu quelques questions et remarques, et toutes étaient très pertinentes et marquaient un réel intérêt pour notre démarche.
(Ou alors: il a fait l'Actors Studio et je vais déchanter en recevant le rapport, hahaha!).
J'avais
récapitulé et classé TOUS nos supports et activités en cas de trous de mémoire : lectures; jeux, sorties, documentaires vus, le moindre film ou dessin animé avec un tant soit peu d'intérêt éducatif... TOUT! Le tout était classé par matière, et annoté pour savoir ce qui est acquis ou doit être revu.
Préparer ce classeur m'a fait prendre conscience de tout le chemin parcouru en un an, c'est assez intéressant ce retour sur soi-même. Je vous le conseille, ça booste le moral et la confiance en soi, vous verrez! D'ailleurs mon mari, qui n'a pas franchement le temps de mettre le nez dans tout ça, s'est montré lui-même impressionné de constater qu'on en avait fait autant (
oui parce que quand il rentre du boulot et qu'il nous demande si on passé une bonne journée, j'ai tendance à répondre "ouais, tranquillou, on était fatigués, on a joué, on est sorti, on n'a pas trop forcé sur l'écrit juste un peu de maths et de français vite fait..." )
Et, histoire donc de bien parler le langage EN, j'ai ensuite
transposé tout ça en suivant les cases du socle de compétences. Ça a été un peu long, fastidieux... mais là aussi, bonne surprise: tout y est! Certaines compétences ont été plus travaillées que d'autres, bien sûr, mais nous avons jusqu'aux 16 ans des loulous pour équilibrer. Mais AUCUNE compétence n'a été oubliée, et je suis satisfaire de pouvoir affirmer, preuves à l'appui, que , malgré des méthodes et une progression différente,
la pédagogie Charlotte Mason permet haut la main de satisfaire aux exigences de l'Éducation Nationale, et même de les dépasser à bien des points de vue.
Je me suis donc fait un plaisir de préparer un beau petit livret que j'ai remis à l'inspecteur afin d'avoir une base d'échange qui lui parle, de le rassurer quant à nos capacités d'instructeurs et de lui servir d'aide-mémoire au moment où il rédigera son rapport
(mais la conseillère pédagogique n'ayant pu soumettre ses exercices, elle s'est occupée de noter tout notre échange, donc je suppose qu'il n'y aura pas trop de soucis à ce niveau là).
Ha, et finalement, les enfants dans tout ça: qu'ont-ils fait?
Ils sont restés durant toute l'inspection, parce qu'ils en avaient envie, petites fouines curieuses qu'ils sont. :-) Nous leur avions dit qu'ils pouvaient monter dans leurs chambres et qu'on les rappellerait au moment voulu, mais ils ont préféré s'installer à table avec nous.
Vers la fin de l'entrevue, on leur a demandé s'ils voulaient bien lire un texte de leur choix. Poussinette a lu l'incipit du
Petit Prince et Poussinou un passage de
L'Appel de le forêt. Ils ont ensuite faite une courte narration, exercice auquel ils sont archi-rôdés. Puis on leur a posé deux questions de compréhension vraiment très très simples...
Pourquoi ce partage?
J'espère que lire
un compte-rendu positif aidera certaines familles à aborder l'épreuve un peu plus sereinement.
J
e sais bien que nous avons eu de la chance, et que certaines expériences sont difficiles, certains inspecteurs obtus et fermés...
Peut-être qu'en témoignant plus souvent des contrôles respectueux ces derniers arrêteront de se réfugier derrière l'excuse "qu'ils n'ont pas le choix, il faut bien tester les enfants pour vérifier l'instruction"... C'est faux, les exigences de l'Éducation Nationale peuvent être satisfaites tout en respectant les enfants et les choix des parents.
Ça demande un petit peu d'
efforts des deux côtés, mais ce n'est pas insurmontable, il me semble...
Au pire, je me dis qu
'il est toujours intéressant de tout préparer en amont:
- si l'inspecteur est à l'écoute, cela facilite le dialogue qui peut devenir réellement enrichissant.
- S'il est suspicieux, cela peut le rassurer et l'aider à se détendre.
- Si c'est un mufle borné, et bien... Sa mauvaise foi n'en sera que plus flagrante! Il pourra toujours arguer qu'il n'a pas le choix d'imposer les tests, il aura un peu plus de mal à le démontrer.
Cadeau
Je vous partage ci-dessous le dossier que j'ai remis lors de notre inspection et qui récapitule tous les items du nouveau socle de compétence remplie avec un an de programme Charlotte Mason sur deux niveaux. Là encore, je ne dis pas qu'il est parfait, que c'est la seule et bonne façon d'aborder le contrôle, simplement il m'a aidé à l'aborder sereinement et j'ai eu le sentiment qu'il était apprécié par l'inspecteur et la conseillère. Je l'ai légèrement modifié pour l'anonymiser ainsi cela peut vous servir de base et vous inspirer pour préparer votre propre contrôle.
TÉLÉCHARGER : synthèse de notre année d'instruction en famille en vue du contrôle pédagogique